LES DEUX MULETS

 

Deux Mulets cheminaient : l'un d'avoine chargé,

L'autre portant l'argent de la Gabelle.

Celui-ci, glorieux d'une charge si belle,

N'eût voulu pour beaucoup en être soulagé.

Il marchait d'un pas relevé,

Et faisait sonner sa sonnette

Quand, l'ennemi se présentant,

Comme il en voulait à l'argent,

Sur le Mulet du fisc une troupe se jette,

Le saisit au frein et l'arrête.

Le Mulet en se défendant

Se sent percer de coups : il gémit, il soupire.

Est-ce donc là, dit-il, ce qu'on m'avait promis?

Ce Mulet qui me suit du danger se retire,

Et moi j'y tombe, et je péris. –

Ami, lui dit son camarade,

Il n'est pas toujours bon d'avoir un haut

Emploi Si tu n'avais servi qu'un Meunier, comme moi,

Tu ne serais pas si malade.